Jean Ponchon et Lara Bruezière sont managers au sein de la société lyonnaise Nova Discovery spécialisée en biotechnologie . Récemment accompagnés par une mission de conseil sur l’engagement des collaborateurs par SIS UP, ils relisent avec nous ce qui leur semble aujourd’hui essentiel pour assurer leur rôle, leur mission et fédérer les équipes autour d’un enjeu commun dans un contexte de croissance soutenue.
SIS UP : A quoi sert le management, selon vous ?
Jean Ponchon (J.P.) : Le management consiste avant tout à se mettre au service des talents qu’on accompagne dans un projet. On a pour rôle d’apporter la vision, l’objectif. Le manager s’assure que l’équipe est composée de plus qu’une simple « addition » de talents, plutôt une multiplication des talents ! Trouver ou retrouver ensemble le chemin, l’enjeu, et donner aux gens toute la place dont ils ont besoin pour se dépasser, pour mettre leurs compétences au service du projet qui les a rassemblés au départ.
Lara Bruezière (L.B.) : Au-delà d’une multiplication, je parlerais plutôt d’une synergie ! J’ai une expérience un peu différente de celle de Jean sur le sujet car dans mon équipe il y a une distinction entre le management des projets et le management individuel: je ne le fais pas avec les mêmes personnes.
Il y a une utilité commune aux deux fonctions : avoir quelqu’un qui donne des directions (orientation de carrière, de projets), et qui soutient en cas de difficultés techniques ou humaines. Je crois que le manager doit être une personne disponible pour ses équipes et non pas un chef qui donne des ordres, il a une double mission : orienter et accompagner.
Quels sont les principaux défis du manager ?
J.P. : Nous avons un vrai défi de temporalité, de réponse à l’exigence du long terme. Le court terme peut prendre beaucoup de place dans notre quotidien et nous faire perdre cette vision long terme. Les mouvements extérieurs au projet sont à prendre en compte, il faut garder sans arrêt la tête claire en se redisant à soi et au collectif dans quelle direction on va, comment nous faisons la part des choses entre le plus urgent et le plus important.
On est aussi confrontés à la question de la croissance de l’entreprise, il faut s’assurer qu’on construit des bases solides avant de passer à l’étape d’après. C’est une question de consolidation, de fondements. Elle est d’autant plus importante que nous sommes dans un secteur qui recrute, qui est très lié à l’innovation, au changement. Continuellement former et se former en faisant appel à des regards extérieurs comme nous l’avons fait avec SIS UP : nourrir le collectif de cette aspiration à apprendre et à découvrir.
L.B. : Personnellement, ma plus grande difficulté a été de me sentir légitime dans les interactions en tant que manager, surtout avec des personnes plus âgées que moi, plus expérimentées dans le secteur. Il faut trouver le bon niveau de relation, adapté à chacun, réussir à donner une vision claire sans écraser. Il faut être capable de donner des retours positifs ou négatifs, se sentir légitime pour cela.
Comment adapter son management à d’autres modes de fonctionnement ?
J.P. : On consacre beaucoup de temps à chaque membre de l’équipe et c’est probablement la meilleure façon de tenir son rôle de management. Être à l’écoute et poser des questions plus que d’imposer son seul discours, sa seule vision des choses.
Nous proposons notamment la mise en place d’un accompagnement par un mentor d’une autre équipe afin de permettre un double accompagnement des personnes. Il me semble important d’assurer des relais et des points de vue différents car les managers peuvent s’enfermer dans des biais cognitifs dans leur analyse des personnes. Cela exige une certaine humilité.
L.B. : J’ai mené récemment plusieurs projets avec des co-managers qui avaient des niveaux d’ancienneté différents. On a réfléchi à ce qui change dans notre implication et nos échanges avec les personnes qui sont dans nos équipes. Certains vont spontanément prendre le lead avec un collaborateur qui a moins d’ancienneté et laisser les autres s’exposer seuls. D’autres adaptent plutôt le niveau d’autonomie en fonction de la manière dont les collaborateurs vont les solliciter, au-delà d’une question d’âge ou de compétences.
J.P. : Cela fait écho à cette notion de confiance. Il n’y a rien de pire qu’un manager qui s’ennuie car il va devenir étouffant et inversement il faut veiller à ce qu’un manager ne soit pas trop pris car il ne sera plus disponible pour son équipe. L’enjeu est de conjuguer la confiance, la disponibilité et le soutien. Selon les personnes, il y a parfois besoin de contenu, de formation ou simplement d’une présence bienveillante.
Je vois deux phrases magiques que le manager doit savoir exprimer : « J’ai besoin de toi » et « Tu vas y arriver ».
Comment favoriser l’épanouissement de chacun ? Comment écrire un projet professionnel avec eux ?
J.P. : Certains font le choix de valoriser le développement d’une expertise sans forcément passer par une logique pyramidale. Ils prennent en main certains sujets transverses et je pense que c’est bien !
Par exemple, avec un collaborateur, qui après plusieurs échanges et discussions s’est senti en confiance pour réaliser un choix radical qu’il souhaitait faire : se former à un tout nouveau métier, redevenir “junior” dans un domaine complètement différent. Très talentueux, il apporte au collectif la richesse de deux expériences très différentes, atypiques et essentielles pour réussir à innover dans notre domaine. Je crois qu’il faut prendre le temps, parfois un peu long, de laisser naître ce qui a germé progressivement chez quelqu’un. Il faut savoir que c’est possible puis laisser le temps à la personne de le construire pour en faire un projet individuel.
C’est aussi le rôle du manager de clarifier la réalité des missions derrière les noms des différents métiers et de faire le match avec ce qu’on a observé de quelqu’un, de chercher comment co-construire les étapes de ce projet individuel.
L. B. : Je pense moi aussi qu’il faut amener progressivement, au cours des discussions, des propositions d’offres et de sujets dont le collaborateur ne pensait pas forcément se saisir, peut-être aussi parce qu’il n’avait pas la bonne analyse de lui-même ou du poste.
Quelles bonnes pratiques pour engager ses équipes ?
L.B. : Il faut être à l’écoute et s’adapter aux besoins des collaborateurs, savoir les encourager, les aider à sortir de leur zone de confort, savoir les faire ralentir si besoin aussi.
Les équipes travaillent sur des projets différents. On a besoin de se demander à chaque fois ce qui les anime, comment travailler ce projet ou cet autre, ce qu’on retrouve d’un projet à l’autre. On doit connaître les personnes pour pouvoir les emmener dans la direction où ils veulent aller.
J.P. : Les collaborateurs ont parfois besoin de temps pour être entièrement concentrés sur ce qu’ils doivent faire sans être parasités par des événements extérieurs, laisser place à la créativité. Ils ont besoin d’un cadre dans lequel s’inscrire et s’exprimer : un cadre qui n’est pas rigide et qu’on peut remodeler dès qu’on en a besoin.
Comment réussir à faire vivre un collectif ?
L.B. : On fait systématiquement des retours d’expérience en fin de projet, tous les six à dix mois : les chefs de projet recueillent les ressentis sur différents process, étapes, puis on en rediscute lors d’une réunion. Cela permet de faire un point et de modifier certaines choses pour la suite, si besoin.
Il y a une forme de récompense collective à l’atteinte « par chacun » des objectifs communs. Les objectifs collectifs priment toujours sur les objectifs individuels.
Les objectifs individuels ne sont pas répercutés sur un bonus mais sur un plan de carrière défini avec le manager en fonction des capacités individuelles. Les objectifs communs sont concrets et déterminent les bonus par business units.
J.P. : Oui, il faut observer l’avant, le pendant et l’après dans une sorte de relecture collective de ce qui a été fait. Les règles du jeu sont claires : pas de débat mais l’expression de chacun librement, l’accueil du vécu de chacun.
Tout cela forme une culture commune, un cadre qui valorise l’écoute de l’autre. Nous ne formons pas une équipe uniforme mais une équipe d’individus propres qui tendent vers une vision commune.
Lara Bruezière
Ingénieure de formation et passionnée d’escalade, elle a quitté Paris pour rejoindre Nova à Lyon en 2017. Après 2 ans et demi en tant que biomodelisatrice, son rôle a évolué pour devenir manager.
Jean Ponchon
Très investi dans le monde associatif et l'éducation populaire, il a commencé sa carrière au début des années 2000, enthousiasmé par le code et le web naissant au service de l'exploration de données et le partage de connaissance. Jean a rejoint Nova en 2011 pour contribuer au développement des solutions de modélisation et simulation d’essais cliniques.